POURQUOI MACRON A PERDU

L’auteur de ces lignes est-il fou ? Ignore-t-il donc que le président sortant n’a pas été sorti et que, avec 58 % des voix, il a été reconduit à la tête de l’Etat ? Que nenni ! A force de préparer ses articles à l’avance, se serait-il pris les pieds dans le tapis ? Non plus, il maintient. C’est Emmanuel Macron qui s’est lourdement planté.

Les grandes envolées qui ont célébré la victoire du grand homme et annoncent un avenir radieux n’empêcheront pas la crise à venir. Les erreurs de monsieur Macron sont de deux ordres. La première est son refus de faire campagne. L’argument a été ressassé à l’envi : quand on passe sa journée au téléphone pour régler les questions internationales brûlantes, on n’a plus le temps d’affronter les autres candidats. Comme le dit l’adage, entre Poutou et Poutine, il faut choisir. Le problème n’est pas que le président en exercice n’ait pas multiplié les meetings. C’était son droit le plus strict. En revanche, sa décision de se soustraire à l’émission télévisée « Elysée 2022 » à laquelle les onze autres candidats avaient accepté de participer est un pur mépris de la démocratie. Il a ainsi évité de répondre directement aux critiques de ses adversaires sur son bilan. Le résultat est que, d’un côté, onze prétendants ont discuté entre eux et, de l’autre, des images du douzième étaient tranquillement diffusées. C’était une situation pour le moins incongrue. Que le président ait daigné débattre lors du second tour avec la faible Marine Le Pen n’est ni glorieux, ni courageux. A vaincre sans péril…

En 2017, Emmanuel Macron avait été élu grâce à la mobilisation des citoyens contre l’extrême-droite qu’il avait confondue avec un plébiscite pour son génie indépassable. Le « mouvement des gilets jaunes » et la détestation envers sa personne qu’il a su susciter au sein de la population auraient dû le convaincre qu’il faisait fausse route, que son socle électoral était étroit. Au début de l’entre-deux tours, on lui a dit qu’il devait rassembler. Alors, il a osé une concession révolutionnaire : fixer éventuellement l’âge de la retraite à 64 ans, plutôt que 65 ans, après concertation, s’il était vraiment convaincu. La pauvre fille Le Pen, a été incapable de lui apporter la contradiction en expliquant, par exemple, qu’au moins le tiers (et probablement plus) des économies réalisées par le report du départ en retraite partirait en fumée étant donné le nombre de seniors sans emploi. Sentant que la victoire sur le ring ne pouvait lui échapper, Macron s’est même montré fidèle à son arrogance légendaire et, au final, il a été élu une nouvelle fois par défaut, pour faire barrage à l’extrême-droite. Le raisonnement selon lequel sa légitimité est forte parce que le score aurait pu être plus serré est juste aberrant. Il n’a surtout pas de quoi se vanter.

La deuxième erreur de Macron est qu’il « assume », c’est un de ses mots favoris, ses choix économiques. Ce n’est évidemment pas lui qui est responsable du tournant libéral de la France. Cela fait quasiment quarante ans que l’économie n’est plus au service de la nation mais l’inverse. Les conséquences sociales sont perçues comme des dommages collatéraux, voire comme des bénédictions si l’on prend les inégalités. L’Etat subit une cure d’amaigrissement autant qu’une révolution culturelle. L’obsession de l’efficacité affiche ses limites tous les jours. La puissance publique est incapable de s’adapter, de remplir normalement ses missions. La situation du système hospitalier les premiers mois du Covid est dans tous les esprits mais tous les services publics sont logés à la même enseigne. Interviewé à la suite de la mort en prison d’Yvan Colonna, l’assassin du préfet Erignac, le directeur de l’établissement pénitentiaire justifiait l’absence de réactivité de son gardien par le nombre de tâches qu’il devait accomplir simultanément. Regarder la caméra de la salle de sport n’était que l’une d’entre elles. Le manque de personnel s’est traduit par un décès ici également.

La quête de productivité étant encore plus poussée dans le secteur privé, Colonna aurait certainement moins survécu si la prison avait été privatisée. Le projet macronien tel qu’il est exposé consiste à transformer la France en start-up géante. On ne l’a jamais vu aussi épanoui que lors des journées du patrimoine, quand il vendait des tasses et des slips bleu-blanc-rouge. Il montrait ce qu’était la France, un centre de maximisation des profits et de réduction des coûts. En fait, trois projets ragoûtants se faisaient face lors de cette élection. Marine Le Pen proposait de généraliser les prises de sang afin d’identifier les Français comme il faut. Jean-Luc Mélenchon, chez qui « le refus de baisser les yeux » est le pendant du « j’assume » du président, envisageait d’instaurer une sixième République. La vraie démocratie, l’athénienne, était directe. Pour Méluche, il convenait de neutraliser la démocratie représentative pour revenir à sa forme la plus authentique. Certes, 40 000 citoyens étaient comptabilisés à Athènes contre 48,7 millions d’électeurs en France aujourd’hui. Cependant, en construisant un stade suffisamment grand, il serait possible d’accueillir tous les citoyens désirant participer à la vie publique.

Le projet secret de Macron a commencé à fuiter. La terminologie n’est pas non plus à négliger. Elle est supposée se conformer à sa vision entrepreneuriale. La disparition du poste de président de la République est ainsi programmée. C’est un chairman qui devrait diriger la France désormais. Le ministre de l’Economie est censé être nommé responsable des ressources humaines. Dans le même ordre d’idée, il n’y aura plus de citoyens mais des collaborateurs qui seront actionnaires minoritaires de la France et auront le droit de voter lors de l’Assemblée Générale quinquennale. L’essentiel des parts sera réparti entre les grandes multinationales présentes en France au prorata de leur chiffre d’affaires. Ce schéma a le mérite de la clarté. C’est ce qui perdra le malheureux Manu. Il y a des choses que l’on peut faire mais qu’il ne faut surtout pas dire.        

La maxime (Georges Clémenceau) :

On ne ment jamais autant qu’avant les élections,

Pendant la guerre et après la chasse.

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LE COUPLET DES CANDIDATS

L’élection présidentielle est proche, proche, proche. La tension monte et le suspense n’est pas loin d’atteindre son paroxysme. Cela se comprend aisément. Dans le système politique français, le rôle du président est essentiel. Et puis, comme on le répète à chaque fois, cette élection est réellement déterminante pour l’avenir de la nation. Chaud, chaud, chaud.

L’homme et la femme politique aiment se pousser du col. Certains souffrent d’une hypersensibilité de l’ouïe qui leur fait entendre des voix à l’instar de Jeanne d’Arc. D’autres sont prêts à tout pour passer dans le poste. Dans ces conditions, la bataille est terrible. Tel le public romain jouant des pouces au Colisée, les sondages couronnent ou relèguent en enfer ces gladiateurs des temps modernes. Notre Anne Hidalgo nationale qui s’est fixée comme challenge d’avoir plus de suffrages que Philippe Poutou est attendrissante. Avec l’assistance de conseillers aussi subtils que grassement rémunérés, les compétiteurs s’efforcent d’identifier sur l’échiquier politique le positionnement susceptible de drainer le maximum de voix mais ce positionnement est fluctuant puisqu’il dépend du mouvement des entrées et des sorties des uns et des autres. L’adaptation doit être permanente. Jean-Luc Mélenchon s’est ainsi évité une stratégie de différentiation épuisante lorsque Sandrine Rousseau a été vaincue chez les Verts. Idem à l’extrême-droite où Eric Zemmour et Marine Le Pen, qui se marchent déjà bien sur les pieds, ont ressenti un vif soulagement avec la défaite d’Eric Ciotti chez les Républicains.  

Ces éléments expliquent que, mise à part la période des primaires dans les partis qui en ont organisées, et tous ne l’ont pas fait, le programme des candidats est secondaire. C’est la plasticité du discours qui compte. La candidature de Christiane Taubira s’est inscrite dans cette logique. La question n’était pas de savoir si elle avait quelque chose de particulier à proposer par rapport à ses rivaux déjà déclarés à gauche mais si son nom, sa marque, serait susceptible de fédérer. Elle aurait toujours trouvé quelque chose à dire au cas où… La gauche est tellement émiettée qu’il n’y a plus rien à démolir. Si elle s’était maintenue, elle aurait dû donc innover par rapport à 2002. Quoi qu’il en soit, pour attirer le chaland, il n’y a rien de mieux qu’une mesure clé, une formule choc. En outre, le candidat qui construit un programme rigoureux et cohérent sait qu’il sera lu par un faible nombre d’électeurs. Ce n’est ni tendance, ni ludique. Ne condamnons surtout pas ! Qui a envie de se retrouver attablé à côté d’un convive qui s’est fadé les dizaines de pages des programmes des présidents en puissance et qui est capable de les citer dans le texte ?  Cela annonce une soirée plutôt sinistre.

Puisqu’il est important que les électeurs sachent à peu près pour qui ils votent, ce blog s’est associé à une initiative citoyenne visant à présenter de façon originale une partie des candidats à la présidentielle pour que l’on se souvienne de leurs principales caractéristiques politiques. Il est utile qu’ils soient éclairés. L’air du « couplet des rois » de « La Belle Hélène », l’opéra-bouffe de Jacques Offenbach, a été retenu à cette intention, cela à la suite d’un vote à la majorité qualifiée, même si une telle allégation est forcément toujours un peu prétentieuse. Un huissier a supervisé l’ensemble de la procédure comme il se doit. Dans un deuxième temps, le passage correspondant du livret a été simplement remplacé de sorte qu’Agamemnon, Ménélas et leurs amis puissent laisser leur place à nos héros des temps modernes. Pour se mettre dans l’ambiance, le lecteur est invité à écouter le passage en question avant de passer au prochain paragraphe. Voici le lien :

LE COUPLET DES ROIS – La Belle Hélène – Jacques Offenbach – YouTube

Voici ceux qui s’voient en altesse,

Il faut que chacun s’empresse

De les nommer, de les nommer, de les nommer par leur nom.

Çà ! Peuple, faisons silence ! Çà ! Peuple, faisons silence !

Faisons silence ! Silence !

Voici ceux qui s’voient en altesse.

Il faut que chacun s’empresse

De les nommer, de les nommer, de les nommer par leur nom.

Ce couple obsédé par la France, cédé par la France, cédé par la France,

C’est Zemmour-Le Pen.

Déballant avec jactance, avec jactance, avec jactance,

Toute leur haine.

Dans tout le fracas immense

De leur abdomen,  [commentaire : l’image évoque les tripes, pas des flatulences]

Ce couple obsédé par la France, cédé par la France, cédé par la France,

C’est Zemmour-Le Pen.

Je suis germanophile, germanophile, germanophile,

Jean-Luc Mélenchon,

Combattant à un contre mille, à un contre mille, un contre mille,

Comme un vrai dragon,

Je suis monté sur piles,

Avec mon air bougon. [commentaire : les Insoumis sont grognons, les soumis sont trop gnons]

Je suis américanophile, américanophile, américanophile,

Jean-Luc Mélenchon.

Je suis l’époux de Brigitte, l’époux de Brigitte, l’époux de Brigitte,

Manu Manu le beau,

Je crains bien qu’un jour la France, qu’un jour la France, qu’un jour la France,

Je le dis tout haut,

Ne me fasse de la peine,  [commentaire : ce serait une sorte de retour à l’envoyeur]

J’anticipe trop.

Je suis l’élève de Brigitte, l’élève de Brigitte, l’élève de Brigitte,

Manu Manu le beau.

Le type tout vert qui s’avance, tout vert qui s’avance, tout vert qui s’avance,

C’est not’ Yannick Jadot.

Qui tout bio dépense, tout bio dépense, tout bio dépense,

Et ne boit que de l’eau.

Il en a dit assez je pense

Pour sauver les bulots.

Le type tout vert qui s’avance, tout vert qui s’avance, tout vert qui s’avance,

C’est not’ Yannick Jadot.