NOM DE NOM

Pour certains, il porte l’espoir d’une transformation de son pays qu’il aime tant et qui coule à pic. Pour d’autres, il incarne le rance plus que la France, c’est-à-dire le racisme dans toute sa splendeur. Eric Zemmour est tout d’abord un personnage grotesque, un Coluche qui s’ignore. Examinons les mesures phares de son programme politique.

La solution des problèmes de la France réside ainsi dans la gestion de l’état civil. Non, il ne s’agit pas de veiller à ce que les fonctionnaires qui sont préposés à cette tâche demeurent éveillés derrière leur triste guichet. Le projet est plus ambitieux… C’est l’histoire d’un type. Est-il bon ou mauvais ? Est-il fiable et honnête ? Sert-il les intérêts de la France ?  Inutile de passer du temps avec lui. Qui a du temps pour ces niaiseries ? Demandez-lui comment il s’appelle. Si c’est Gilbert, c’est OK. C’est peut-être un peu vieillot comme Etiennette ou Huguette mais, on peut dire ce qu’on veut, ça sent bon le terroir, la baguette, le béret et le litron. Voici un autre zozo. Il répond au doux prénom d’Abdel Malik, voire Abd Al-Malik, comme le calife omeyyade. Il prend donc probablement bien le soleil. Comment peut-on imaginer qu’il s’agisse d’un excellent français, se déchaîne Zemmour dans ses meetings ? Il n’a pas tort. Prononcez doucement et rapprochez-vous de lui. Et voilà que sa physionomie se transforme. Il ressemble à un fier guerrier barbu brandissant son cimeterre et hurlant un truc comme : « Oula, j’en ai marre ! ».   

Certes, on associe assez peu spontanément Zemmour à reblochon. C’est normal, ce nom vient d’Azemmur, mot berbère signifiant plutôt olivier. Evidemment, les grincheux remarqueront que le militant d’extrême-droite vient du Maghreb et qu’il ne se serait pas accordé la nationalité française s’il avait été Président au moment où sa famille l’a obtenue mais Zemmour a bien spécifié que sa guerre portait sur les prénoms et pas sur les noms de famille. Bref, Laurent Mustapha, ça colle mais pas Mustapha Laurent. Le premier est un patriote et le second un félon présumé. N’entendez-vous pas le tic-tac de la bombe qu’il  s’apprête à balancer dans la foule ? En outre, les zemmouriens concèdent qu’une erreur reste possible. Reprenons Gilbert et Abd Al Malik. Gilbert Zemour – un homonyme du nôtre, avec un seul « m » mais, quand on aime, on ne compte pas – a été un célèbre mafieux, alors que le rappeur Abd Al Malik a écrit un ouvrage « Qu’Allah bénisse la France ! ». Il n’existe aucune procédure de détection d’anomalie sans défaut. Même à l’hôpital, on risque d’attraper des maladies.

Le critère du prénom ajoute une difficulté supplémentaire. Il ne permet pas toujours de distinguer clairement les prénoms kasher de ceux qui sont interdits. Ainsi, Eric est apparemment français mais il provient d’Erik, prénom scandinave. Même si l’on considère qu’une fois francisés, les prénoms sont attribuables à des citoyens, la situation devient éminemment complexe. L’introduction d’un degré de subjectivité nuit à la cause. Apprécions le dialogue suivant :

« – Je souhaiterais nommer mon fils William.

– Impossible monsieur, c’est un prénom anglais. Il faudrait le baptiser Guillaume.

– C’est effectivement en mémoire de mon grand-père britannique qui a participé au débarquement en 1944 mais je croyais que William était aujourd’hui considéré comme un prénom français, non ?

– Vous essayez de m’embobiner avec vos arguties et, moi, je vous parle du redressement de la France ».

La calendrier fait foi. Il y a une Saint Guillaume le 10 janvier.

Tout est-il réglé de cette manière ? Hélas, non. Il y a des injustices dans le calendrier. En quoi Venceslas, Romario, Raïssa et même Donald, aux relents étrangers, pas de chez nous, méritent-ils tellement d’y figurer ? Passons à un autre cas déroutant. Désormais moins de 20% des véhicules de Renault sont produits en France. A-t-on le droit en conséquence de célébrer les Mégane le 16 novembre en tant que déclinaison de Marguerite ? Et puis il y a Adolf. Il s’agit assurément d’un prénom allemand mais Adolphe est bien français et, bien que la fête du saint du même nom ait opportunément disparu du calendrier, il est possible de se reporter vers Adelphe qui est célébré le… 11 septembre. Et que faire avec la majorité des prénoms qui se terminent en « el » et viennent de l’hébreu ? Des saints portent leurs noms. Doit-on traduire Raphaël par « Dieu a guéri » ? Bof… On l’a pourtant fait pour Nathaniel ou Nathanaël qui a donné « Dieudonné »… On n’en sort pas décidément… Et que dire du footballeur Franck Ribéry qui a décidé de prénommer un de ses enfants Fetnat parce qu’il était né un 14 juillet ?  

Il n’y a pas que le départ, il y aussi l’arrivée. Un Français doit être enterré en France parce que, comme l’a dit dans un fameux discours  un homme cher au cœur de Zemmour, le maréchal Pétain : « La terre, elle, ne ment pas ». Plus essentiellement, après la réforme de l’état civil, Eric Zemmour envisagerait dans un deuxième temps de s’attaquer à un chantier plus conséquent encore, la prohibition des mots d’origine étrangère. « Sorbet » vient de l’arabe. Ceux qui en consomment devront reconnaître qu’ils dégustent une glace à l’eau ou se rabattre sur une tarte tatin. L’emploi du mot « week-end » sera encore plus sévèrement sanctionné. Derrière l’accent anglo-saxon, on décèle l’intention politique délétère. C’est l’appel du 18 juin, Churchill, Roosevelt. Quelle engeance ! Les défenseurs authentiques de la nation passeront leur « fin de semaine » à Vichy ou ailleurs. Attention toutefois à ces mots qui voyagent, slaloment, se métamorphosent et ne connaissent pas les frontières. « Flirter » vient de « conter fleurette ». France-Angleterre-France. Que faire ? Un chose est sûre, quand on ne dira pas le grossier « avoir la baraka » mais l’élégant « avoir le cul bordé de nouilles », la France aura grandi.    

La maxime :

Quand on boit du « 7 up », il est assuré le flop,

Mais le « 7 en l’air », c’est à tomber par terre.

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