EN DERANGEMENT

Cela n’a duré qu’une paire d’heures mais les médias en ont abondamment parlé. Les services d’urgence, le 15 et le 18, n’ont pas été joignables une nuit entière. Ils étaient en dérangement. Une transition facile pour évoquer le cas d’une personne qui elle aussi a été en dérangement la même semaine. La coïncidence est assez frappante.

Méluche est un bon client, c’est vrai. Il n’en loupe pas une, c’est entendu. S’il y a une ânerie à proférer, elle est pour lui. Il la voit toujours en premier. C’est un talent ! Les victimes du terrorisme auxquels, dans l’enthousiasme, il a ajouté « papy Voise », le vieil homme qui s’est fait défoncer le portrait juste avant l’élection présidentielle de 2002 ? Il leur a sauté dessus à pieds joints. OK… mais que d’aucuns en profitent pour jeter le discrédit sur la sphère des Insoumis n’est ni juste, ni charitable, étant donné que les critiques en interne ont été d’une férocité sans nom. Le courant indigéniste s’est en effet insurgé contre les sous-entendus implicites de sa tirade. La droite et l’extrême-droite exploitent politiquement les attentats, c’est finalement de bonne guerre et on peut difficilement espérer leur soutirer l’engagement qu’ils ne le feront plus à l’avenir. En revanche, si l’on suit le raisonnement méluchonien, le cœur du problème réside dans le choix même de la date des attaques. Ce qui revient à adresser indirectement des critiques envers leurs auteurs.

La bande à Obono s’est aussitôt fendue d’un communiqué cinglant reprochant au guide suprême une « attitude néocolonialiste ». Mélenchon sait pertinemment que les islamistes ont leur propre agenda. Il est donc inacceptable, voire impérialiste de leur interdire des périodes d’action sous prétexte que les échéances de la vie politique française priment. Les rendez-vous des uns valent bien ceux des autres. Le contrefeu allumé immédiatement fleure bon le malaise et témoigne de la volonté de passer à autre chose dans la famille insoumise. Dans cette perspective, la cellule de crise du mouvement s’est surpassée annonçant que Mélenchon avait reçu de « graves » menaces de mort – ce type d’intimidation ne l’étant manifestement pas toujours. Elles ont d’ailleurs été confirmées dès le lendemain par la claque assénée à Emmanuel Macron. On sait maintenant avec certitude que l’agresseur du Président ne portait pas de lunettes. Il est probable qu’il a confondu les deux hommes et qu’il visait plutôt notre « Leader Minimo » adoré. Tout se tient. God bless our precious Meluche !

La litanie de coups de sang méluchoniens ne s’appuie pourtant pas sur la biographie d’Achille Zavatta. Elle prétend tirer son origine des idées de Karl Marx… enfin réinterprétées tout de même. Reprenons : le marxisme de papa, à l’ancienne, décrit un système où le capitaliste exploite le prolétaire certes mais quasiment « à l’insu de son plein gré ». En remplaçant l’homme par des machines, l’« homme aux écus » ne se rend pas compte qu’il scie la branche sur laquelle il est assis. Il provoque une baisse tendancielle du taux de profit. On pourrait retrouver un engrenage assez semblable aujourd’hui avec ces entreprises qui, pour économiser quelques centimes, achètent des composants à l’autre bout du monde mais, ce faisant, puisent dans notre stock d’énergies fossiles. L’absence de conscience était une caractéristique du marxisme old fashion. Les forces qui opéraient n’étaient pas visibles à l’œil nu, sauf pour les rares penseurs capables de prendre de la hauteur par rapport aux phénomènes étudiés.

Seulement voilà, la crise ultime n’est pas survenue. Le système ne s’est pas effondré de lui-même. Les marxistes ont alors été amenés à amender le modèle originel. Si le capitalisme survivait, c’est parce que l’Etat se portait opportunément à son secours. Et, pour le coup, il n’est nul besoin d’être membre du parti pour trouver des mesures gouvernementales qui s’inscrivent dans la logique de soutien aux entreprises – les ordonnances Macron qui réforment le Code du travail, la baisse de l’impôt sur les sociétés… Cela fait au moins 40 ans que cela dure. Il y a un même un discours bucolique qui accompagne cette politique économique : l’eau coule du ruisseau, les oiseaux gazouillent, etc. Ce n’est ni caché, ni secret. Toutefois, pour certains, ce n’est pas assez. Ce n’est pas parce que l’on peut agir à visage découvert qu’aucune entente secrète, qu’aucune conjuration ne sont envisageables. Pour le vice, pour le plaisir, pour ne pas laisser le terrain du conspirationnisme à l’extrême-droite.

 C’est le moment choisi par Méluche pour sortir son atout maître, Fréderic Lordon. Et là, finie la rigolade. On est maintenant chez les rouges, plus chez les nez rouges. L’air du temps dénigre le complotisme. Qu’à cela ne tienne, Lordon lui oppose le « complotisme de l’anticomplotisme ». Les puissants sont paranoïaques aussi bien que fûtés : pour désamorcer toute critique, ils hurlent aussitôt au complot. Etant eux-mêmes plongés jusqu’au cou dans le jeu conspirationniste, ils imputent à leurs adversaires leurs propres turpitudes. C’est ce qu’on appelle une « inversion projective ». Et cela va très loin. Prenons un exemple : Emmanuel Macron a travaillé dans une banque. Si son nom, Rothschild, est rappelé en permanence par l’extrême-gauche, il n’existe aucun relent antisémite. Les temps où Proudhon, Fourier, Blanqui et consorts déversaient leur haine contre les Juifs est révolu. On peut faire confiance à Lordon. Si un prochain président est salarié de la banque Neuflize Schlumberger Mallet, son nom sera pareillement mentionné.

Le raisonnement de Lordon est simple. Il est relativement mal vu d’être antisémite de nos jours. En conséquence, pour soutenir intelligemment le parti de la haute finance, il suffit de disqualifier ceux qui la rejettent en les taxant d’antisémitisme. Quand on parle de « complotisme de l’anticomplotisme », doit-on le préciser, la conspiration des nantis offre des horizons sans limite. Et si les méchants qui tirent les ficelles avaient placé Macron délibérément chez Rothschild pour tendre un piège à leurs ennemis quand il serait élu ? Autrement dit, quid du « complotisme du complotisme de l’anticomplotisme » ? Y a-t-il une fin à cela ? Si oui, sera-t-elle bonne ? Et y offrira-t-on des glaces à la vanille  ou, à défaut, au chocolat ? Les questions s’enchaînent à une vitesse vertigineuse ? En tout cas, quand l’ami de Méluche, Jérémy Corbyn, a perdu les élections en Grande-Bretagne, ce n’est pas à cause des musulmans ou des protestants, hein !

La maxime :

Une homme qui n’est jamais idiot n’est pas tout-à-fait humain

Un homme qui est tout-à-fait humain…

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NE NOUS VOLEZ PAS LE COVID

De la même manière que Céline affirmait que « L’amour c’est l’infini mis à la portée des caniches », il apparaît que « Le covid19 c’est l’infini mis à la portée des complotistes ». Les réalisateurs du film « Hold up » qui dure 2 heures 43 minutes s’en sont donné à cœur joie, c’est certain, mais n’auraient-ils pas pu faire mieux ? Ont-ils vraiment saisi la balle au bond ?

Jusqu’à ce grand moment de cinéma, il faut reconnaître que le complotisme était plutôt bas de gamme. Par exemple, un zozo entrait dans un hôpital caméra sur l’épaule pour constater que le service des urgences était vide. Du coup, il clamait haut et fort que la théorie selon laquelle le système était en train de crouler sous l’afflux de patients était une pure escroquerie. Cela impliquait évidemment que tous les témoignages des personnels médicaux, des malades, de leurs familles, sans oublier les hommes politiques (ouaf, ouaf), qui avaient été patiemment accumulés ces derniers mois, étaient des faux, des « fake ». Difficile de savoir s’il s’agissait d’extra-terrestres aux yeux des conspirationnistes mais au moins la supercherie était supposée avoir été mise au jour. On sent bien que l’argumentation était un peu faiblarde. Une approche plus consistante, plus globale, était indispensable pour nourrir la croyance. Il convenait de trouver une ligne directrice, un narratif plus convaincant qui exclurait l’intervention des martiens. C’était l’intention de ceux qui ont commis ce « Hold up ».

Les auteurs du film sont de fins limiers. Ils ont découvert que l’Institut Pasteur a fabriqué le coronavirus à des fins mercantiles. Il faut dire que ses dirigeants n’ont pas été très malins sur le coup. Pensant jouir d’une totale impunité, ils ont agi à découvert et ont même déposé un brevet. La suite s’enchaînait telle une mécanique implacable. Un pacte diabolique avait été signé par tous ceux qui tireraient profit du crime : l’industrie pharmaceutique, les producteurs de masques, Amazon et bien d’autres. Sur ce point, les auteurs ont pêché par manque d’exhaustivité. De plus, ils n’ont pas explicité la stratégie de l’Institut Pasteur qui, bien que déclencheur, a apparemment pris quelque retard dans la fabrication du vaccin. Il ne s’agit pas d’une bourde typiquement française à la façon de la ligne Maginot. Non. Pendant que Pfizer, Moderna et Astra Zeneca s’envoyaient des éprouvettes à la figure, les pasteurisés ont préparé le coup suivant. Une loi est en préparation : il sera bientôt interdit d’attraper le covid, et encore plus d’en mourir, sans verser de droits à l’Institut Pasteur – et gare aux contrevenants. Jackpot assuré.

Le film a la chance de bénéficier d’un casting de luxe avec notamment le témoignage de Philippe Douste-Blazy qui n’a jamais su résister à une caméra et le gazouillis de Monique Pinçon-Charlot qui n’est désormais plus capable de contenir sa haine des élites. La sociologue évoque un « holocauste » des pauvres par les riches. On apprécie l’ironie de la situation. Les dominants scient la branche sur laquelle ils sont assis. En effet, la disparition des pauvres marquera la fin de leur suprématie : sans mal, pas de bien ; sans pauvres, pas de riches. C’est pourquoi il aurait été avisé de se projeter au-delà de ces regrettables crimes de masse. L’emprise de l’Etat sur nos vies a atteint une nouvelle dimension avec le port du masque et les attestations de sortie dérogatoire. Pourquoi ne rien dire de la suite ? Le silence des auteurs est suspect. Sont-ils de mèche avec ceux qui nous manipulent ? A la suite d’une étude montrant que la prononciation de la lettre « p » s’accompagne d’une dangereuse projection de postillons, le gouvernement songe à interdire son utilisation… sauf attestation. Dire : « papa » coûtera 135 euros.

A moins que les peintres de ce théâtre d’ombres chinoises soient conscients qu’ils n’ont pas poussé la machine jusqu’au bout. Cela signifierait alors qu’ils avaient anticipé leur fabuleux succès et qu’ils en gardaient en réserve pour « Hold up : le retour », « Hold up 3 », « Hold up 4».  Point important, le financement du film relève d’une démarche participative. Une cagnotte citoyenne a permis l’expression de cet autre son de cloche. On ne peut que s’émouvoir face à ce réveil du peuple à l’époque de la démocratie 2.0. Les contributeurs attendaient un discours spécifique et ils en ont eu pour leur argent. Ce paiement est d’ailleurs appelé « billet» de confirmation. Tout au plus peut-on regretter que les faits, eux, n’aient pas vraiment joué le jeu. Il a fallu un peu leur tordre le coup pour aboutir au résultat escompté. Un philosophe avant-gardiste a déjà construit le concept de « fascisme de la réalité » puisque celle-ci refuse de se plier à la volonté populaire. On se souvient que les médecins de Molière regrettaient que la maladie de leur patient ne corresponde pas au tableau clinique qu’ils exposaient. Ils s’étaient arrêtés à cela. Désormais, la réalité ne doit plus stopper le désir de l’homme.

L’existence d’une alternative au discours officiel est assurément revigorante pour la démocratie mais pourquoi mettre en avant une seule version contradictoire ? Je souhaiterais donc modestement apporter ma propre pierre à l’édifice en proposant une thèse supplémentaire. Les connaisseurs du monde grec savent que le caducée est un attribut de Hermès et qu’il ressemble au bâton d’Asclépios, Esculape en latin, d’où une rivalité entre eux qui commence à dater. Hermès est le dieu du commerce et Asclépios, (demi) dieu de la médecine. Le premier a récemment décidé d’écraser le second. Il a répandu une pandémie sur la terre puis a bâti un dossier en béton afin de plaider sa cause devant Zeus. Il était clair selon lui que l’économie devait primer. En laissant le virus circuler, on ferait disparaître les vieux. Ce qui réglerait la question de la dépendance en même temps que cela accélérerait la transmission du patrimoine dans les familles  – d’où une stimulation de la croissance économique. Un plan machiavélique. Coincé Asclépios ? Point du tout. Connaissant la lubricité de Zeus, il a envoyé une sublime mortelle dans son lit. Effet garanti : le dieu suprême a tranché en sa faveur : les vieilles générations seraient épargnées. Les thérapies à l’ancienne sont manifestement encore en vigueur sur l’Olympe.

La maxime (du Professeur Montagnier) :

La papaye c’est la santé

Pas comme les Chinois sans thé