Le 24 mai, sans la moindre raison, la France a oublié de se réjouir. Même les chauffeurs d’ambiance de France 2 ont omis de chanter « cocorico » lors du JT. Pourtant, ce jour-là, Bernard Arnault est devenu pour quelques heures l’homme le plus riche du monde. Son meilleur ennemi François Pinault, a retenu sa respiration. Même si Jeff Bezos a repris la première place depuis, cela méritait d’être célébré, non ?
Qu’un magazine comme Forbes évalue les plus grosses fortunes du monde est bien gentil mais la périodicité de ses classements laisse à désirer. Quand le temps s’accélère, il faut sortir des plans plan-plan et livrer au public rempli d’impatience des informations en continu. Comme la problématique est fondamentale, ils sont plusieurs à s’y être collés et, grâce à eux, nous disposons désormais de classements qui mesurent l’évolution de la richesse des grands hommes d’affaires en temps réel. Les données doivent en effet être constamment actualisées en fonction des cours de la bourse, Paris, New York, Tokyo, etc… parce que ces gens-là ont n’ont évidemment pas mis tous leurs œufs dans le même panier et, ne l’oublions pas, l’argent ne se repose jamais. Il travaille de nuit comme de jour. Quand on pense qu’il y a des personnes qui s’indignent que cet effort soit récompensé par des versements d’intérêts. C’est à se demander où va notre planète, franchement !
Bien sûr, ce sont des chiffres. L’excitation des téléspectateurs peut sembler limitée au départ. Toutefois, avec un minimum d’imagination, la perspective aurait été changée radicalement. Il aurait suffi d’emprunter la voix de Léon Zitrone les jours où il s’emballait en commentant le tiercé. Au lieu de casaque rouge toque noire qui serait passé sur la ligne devant casaque verte toque jaune, c’est juste le patron de LVMH qui, entre 7h30 GMT et 15h30 GMT, aurait damé le pion, certes d’une encolure, mais aurait damé le pion tout de même au PDG d’Amazon. Quelle folie ! Une standing ovation pour Arnault, SVP. L’enthousiasme du sympathique journaliste était tellement communicatif. Léon, Léon, j’ai les mêmes à la maison !
Hélas, à l’ouverture de la bourse de New York, « Bozo » chassait « L’ange exterminateur » de la plus haute marche du podium – il faut savoir que chaque monture a son petit nom. A 16h15, Bezos avait en poche 187,7 milliards de dollars et Arnault 186,6 milliards. Assez loin derrière, Elon Musk pointait avec 147,6 milliards et, largement distancé, on n’ose dire presque minable, Bill Gates avec 125,9 milliards. L’écart n’était pas énorme. Dans ces conditions, il était logique de demander un nouveau décompte des billets verts. Confirmerait-il cette image d’Epinal d’un Bezos coiffant son rival sur le fil ? Le calcul de Bloomberg, qui utilise une autre méthodologie, aboutit au même classement quoiqu’avec des variations de quelques milliards à gauche ou à droite.
Cela n’en a pas l’air mais ces tonnes de dollars sont plutôt taquines et ont leur chic pour jouer à cache-cache. Un célèbre philosophe français disait : « ça s’en va et ça revient, c’est fait de tout petits riens ». On peut supposer que les techniques d’évaluation progresseront. Etant donné les ressources financières gigantesques qui sont consacrées à l’extraction de ces données d’importance stratégique pour le sort de l’humanité, c’est le minimum que l’on puisse espérer. En attendant, sous les flashs qui crépitaient, on a bien vu Bezos grimaçant, tirant la langue et donnant un dernier coup de rein, Arnault tournant la tête inquiet, du côté gauche faut-il le préciser, sentant l’inéluctable. Au ralenti, c’est impressionnant.
Dans le même ordre d’idée, puisque nous parlions d’œufs et de paniers, on pourrait procéder à d’autres calculs. On sait que 66 millions de tonnes d’œufs sont consommés dans le monde chaque année, soit 34 880 par seconde. Mais combien de personnes se retrouvent-elles avec le panier vide quand ceux d’Arnault et de Bezos débordent aussi ostensiblement ? En outre, il n’est pas illégitime de s’interroger sur la quantité d’omelettes que ces œufs peuvent confectionner, voire sur la casse, car on ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs. Dans le cas d’Arnault, il n’est pas inutile de rappeler que sa fortune tire son origine du dépôt de bilan du groupe Boussac auquel appartenait Dior. Arnault obtiendra d’en être le repreneur contre la promesse de maintenir l’emploi. Il encaissera des subventions publiques sans que cela le dissuade de démanteler le groupe et de licencier des milliers de salariés. Premiers gros tas de coquilles.
Le « ruissellement » des richesses prend toute sa signification. Il va du bas vers le haut. Depuis Thorstein Veblen, les livres sur les pratiques prédatrices des « capitaines d’industrie » se sont multipliés mais il n’existe pas d’indicateur du poids des coquilles d’œuf et c’est bien dommage. Il n’est pas faux que de l’eau finit tout de même par retomber vers le bas mais ce ne sont que des gouttelettes. Oui, Arnault est un philanthrope : suite à l’incendie de Notre Dame, il s’est délesté de 200 millions – don ou investissement sur le ciel – et nombre de ses concurrents ont aussi leurs bonnes oeuvres. Le Président Bush fils avait repris à son compte l’expression de « capitalisme compassionnel » pour décrire cette magnanimité. De plus, pour que les plus nantis ne se sentent pas obligés de donner, donner, donner sans fin, un exercice pénible auquel les plus pauvres ne sont pas astreints, il existe une solution.
Arnault est à la tête d’approximativement 186 600 000 000 de dollars, pour l’essentiel de l’épargne – la capacité à consommer de chacun étant fatalement bornée. Ne pourrait-on retirer un zéro à cette somme sous forme d’un impôt mondial ? Cela n’aurait aucun impact sur sa vie ! Pas d’affolement, Pinault serait pareillement ponctionné et, au-delà, tous nos autres chers milliardaires. Voici un moyen définitif pour éradiquer la pauvreté dans le monde. Bien sûr, les «droits de propriété-istes » s’offusqueraient mais le slogan suivant emporterait l’adhésion du peuple : « un zéro en moins, un héros en plus ». Un avenir radieux s’annonce. You hou, nous y sommes presque. Presque.
L’histoire :
– Monsieur, monsieur, je n’ai pas mangé depuis trois jours…
– Ce n’est pas bien, cher ami, reprenez vous ! Heu, ça vous dirait de la soupe de la veille ?
– Oui, monsieur, merci.
– Eh bien, revenez demain.
pour les 200 millions d’Arnaud, il est fort possible que cela rentre dans le cadre du mécénat. il aura droit à une crédit d’impôt de 60%. le don réel n’est donc que de 80 millions. 120 millions sont payés par le contribuable en simplifiant. Son don coûte de l’argent à l’état toujours en simplifiant.
J’aimeJ’aime
j’avais cru que, face au tollé, il avait renoncé à son cadeau fiscal. J’avoue que j’ai failli lui écrire que je n’étais pas très content qu’il m’oblige à contribuer et puis je me suis dit que ma belle-mère serait ravie.
A moins que ce ne soit Pinault – j’avoue que je confond parfois ces « dingos du moi-nault »
J’aimeJ’aime